L’extase fugace : la nature et l’origine de l’élan religieux

Par Yannick Courtel

Barr, le 25 juin 2013

Le titre de ma conférence essaie de répondre à la demande, mais je devrais dire aux demandes, qui m’ont été adressées et qui étaient très exigeantes. L’une portait sur la spiritualité et le respect de la nature, l’autre, sur les relations entre les religions révélées et la nature. Or, par excès de classicisme philosophique, peut-être, j’ai tendance à réserver le terme de « respect » aux relations entre les hommes, êtres rationnels et parfois raisonnables, ou, encore, à l’influence de la loi morale sur un être sensible, l’homme, toujours, et à ne pas utiliser le terme « respect » en dehors de ces cas-là. Je reste prudent également avec l’emploi du substantif « spiritualité » et avec l’adjectif « spirituel », me demandant toujours : « qu’est-ce qui est spirituel et qu’est-ce qui ne l’est pas ? » ou bien : « de quoi parle-t-on exactement quand on emploie le substantif « spiritualité » ? « Est-ce toujours de la vie de l’âme et si c’est le cas, qu’entend-on par âme et que veut dire, pour l’âme, avoir une vie ou être en vie ? ». Quant aux religions révélées et aux relations qu’elles entretiennent avec la nature, je suis loin d’être compétent pour en traiter. Bref, entre les demandes qui m’ont été adressées et ce que je peux décemment faire, il y a un écart. Le titre de mon intervention l’exprime : il comporte le mot nature, mais il ne fait pas expressément référence ni à la spiritualité ni à une religion révélée, ce qui ne signifie pas qu’il soit fermé à l’une et à l’autre, sans lien avec l’une ou avec l’autre, mais pas directement. Je traiterai donc, d’une part, de la nature, d’autre part, d’un rapport qu’il est possible d’entretenir avec elle et que je désigne au moyen de l’expression d’extase fugace. A l’articulation des deux, je situerai l’origine de ce que, faute de mieux, j’appellerai un élan religieux.

L’ordre suivi dans mon exposé diffèrera cependant de celui que je viens d’indiquer. Je ne commencerai pas par la nature en demandant, par exemple, « qu’est-ce que la nature ? ». Les deux demandes qui m’ont été adressées sont de ce point de vue très « sages » puisqu’elles font précéder le terme de « nature » par celui de « spiritualité » ou par l’expression « religions révélées » c’est-à-dire, dans les deux cas, par un comportement humain, ou, plus largement, par une manière d’être, voire par une expérience proprement humaine. Il est sage de procéder ainsi parce que, autant je suis convaincu qu’il y a hors de moi quelque chose qui n’est pas moi, un dehors, autant je suis également convaincu que ce dehors serait un néant nul s’il n’y avait personne pour le sentir, le penser, le nommer, en parler, le connaître, l’aimer, vouloir le transformer, etc. En bref, il n’y a pas de « nature » qui ne soit une détermination humaine du dehors, son interprétation. Il est donc plus judicieux de procéder dans cette conférence en commençant par le rapport que je peux entretenir avec le dehors, en d’autres termes par l’extase fugace.

Cette manière de faire présente un autre avantage : elle m’évite de me trouver d’emblée situé sur un terrain miné. Je m’explique : le nom « nature » n’est pas un mot anodin en philosophie, c’est au contraire une parole fondamentale qui nomme « quelque relation essentielle de l’homme occidental à [ce qui est] l’étant – que ce soit l’étant qu’il n’est pas ou celui qu’il est lui-même » [1]. Cette remarque est simple et très vraie, tellement vraie que le nom « nature » se retrouve dans des couples d’opposition connus de tous : nature et esprit, nature et histoire, nature et liberté, nature et art, nature et loi, nature et surnature, nature et grâce… Cela fait beaucoup ! Et ça n’est pas tout : on parle aussi de la nature de l’homme, voulant signifier par là non seulement son corps, son esprit, son âme, mais « tout son être » (ibid.). Cet usage du mot « nature » correspond à l’expression « nature des choses » employée dans des phrases comme « il est dans la nature de… ». Nature exprime alors ce que sont les choses et surtout comment elles sont. Recourir au mot « nature » revient donc à se retrouver plongé dans la philosophie sans avoir nécessairement appris à nager. Mais le terrain miné auquel je faisais allusion l’est encore d’une dernière façon : de « nature » à « naturel » il n’y a qu’un pas, or la pensée chrétienne conçoit le naturel comme ce qui a été donné en propre à l’homme lors de la création et qui est laissé à la discrétion de sa liberté. C’est cette « nature » qui conduit l’homme à sa ruine et qui doit donc être rabrouée : « elle est ce qui ne doit pas être » (ibid., p.179). Tout au contraire, le naturel peut désigner ce à quoi l’homme doit laisser cours. L’homme naturel de Nietzsche, par exemple, est celui qui doit prendre le corps (Leib) comme fil conducteur de son interprétation du monde entrant ainsi en rapport avec le sensible en général, mais aussi avec les passions et les pulsions. Par « terrain miné », je désigne donc le fait que le terme de « nature » a plusieurs significations entremêlées, au moins trois, puisqu’il désigne le dehors, le corps, l’essence immuable d’une chose, par exemple celle de la chose appelée « homme » quand on se demande à son propos « qu’est-ce qu’un homme ? » ou, à la première personne, « que suis-je ? » ; j’entends aussi désigner le fait que le même terme entre dans une série de couples d’oppositions à l’intérieur desquels il occupe la première place de référence ; enfin, il peut tout aussi bien désigner ce qui doit être rabroué que ce qui doit être cultivé. Toutes ces raisons m’amènent donc à ne pas commencer par la nature, ni même à employer d’emblée le mot pour éviter d’être plongé, sans m’en rendre compte, dans des débats qui durent depuis des siècles. Et quand j’y recourrai, ce sera pour parler de l’étant que je ne suis pas, ce qu’il est et comment il l’est.

L’extase fugace

Tenter de mettre entre parenthèses ce qui a pu être dit de la nature, de mettre entre parenthèses le legs des traditions philosophiques ou religieuses, n’est pas faire du passé table rase, mais, par la suspension de toute référence à ce qui a pu être dit, se trouver dans une situation où ce dont nous faisons actuellement l’expérience et nous-mêmes qui l’exprimons, coïncidons. Si ce qui nous entoure est à chaque instant commençant, il nous faut, pour lui être fidèle dans ce que nous en disons, nous aussi commencer. Comment ? Ayant exprimé une réserve quant à l’emploi de certains mots (on commence par utiliser des mots et on découvre qu’ils ne sont pas neutres, cf. l’adage « héritage de mots, héritage d’idées »), je prendrai appui sur une base affective. Heidegger l’avait entrevu, qui appelait « sentiment de la situation » ou encore « affection », une dimension fondamentale de l’existence caractérisée par une communication entre l’humeur ou les tonalités affectives fondamentales d’un être humain et le monde au ton duquel il se trouve accordé, communication d’où sont issues les oppositions ultérieures entre le dedans et le dehors, l’intérieur et l’extérieur. La voie affective que j’emprunte suit celle de Roger Munier traducteur de Heidegger, Héraclite, Paz et auteur d’une œuvre singulière. La voie affective évoquée écarte donc les aspects trop ou trop peu subjectifs de l’affection C’est ainsi qu’aux humeurs éminemment particulières comme l’allégresse ou l’abattement et aux tonalités affectives fondamentales qui sont les marques de l’humanité en son entier, l’angoisse ou la joie, je substitue l’émotion.

L’émotion. État affectif dont l’expérience au demeurant banale est suffisamment spécifique pour n’être pas générale, l’émotion ouvre celui qu’elle traverse, parfois déchire, à ce que j’ai désigné comme étant le dehors :

L’émotion est un trouble. Elle nous force. C’est, selon l’étymologie, un mouvement. Qui nous atteint certes, mais dont l’origine n’est pas en nous. Qui part d’ailleurs. Je dirai du dehors [2].

Rapide ou lente, insidieuse ou brutale, elle se produit comme une intrusion. On dit qu’elle nous gagne, nous ébranle, nous envahit, parfois nous submerge. À l’évidence, elle ne vient pas de nous. D’où vient-elle ? D’une région à laquelle nous n’avons pas de nous-mêmes accès, que nous ne rencontrons que si elle s’avance en quelque sorte vers nous. Au plus ras d’elle-même, à son départ soudain, l’émotion est un rappel du dehors. En elle, sous des angles divers, le dehors se signale dans son instance autrement sans voix, fait irruption en nous. Le dehors est de soi redoutable ; son avance produit par force un dépaysement profond. Le paysage intérieur brusquement change, sinon se défait. Un vide s’ouvre. Les prises ordinaires s’effondrent, qui assuraient la conscience face au monde, et c’est le monde à présent qui fait face. Le tout en un instant de stupeur, d’émoi, car l’intrusion est souvent brève. En suspens, le sujet supporte l’afflux. Il n’est plus, comme sujet, que suspens, béance, champ ouvert à ce qui vient. Dans l’émotion, ce qui autrement eût été un objet de saisie cesse de l’être. Il empiète sans appel sur le sujet chancelant, emplit sa béance, entièrement l’habite. Au point qu’il n’y a plus au terme de sujet ni d’objet situables. Sous l’impérieuse avancée, un autre ordre s’instaure, où le monde est moins appréhendé que reçu, inverse en somme. L’émotion passée, le sujet sans doute se reconstruira, retrouvera ses assises. Mais l’ébranlement parfois sera durable. Une brèche a été ouverte dans sa clôture, dont la marque subsistera [3].

L’émotion est « dérèglante ». Par différence avec le sentiment, elle est un trouble, une perturbation. Elle s’impose au sujet qu’elle envahit, ce qui est le signe que ce devant quoi elle se produit n’est pas, ou n’est plus, un objet dont le sujet s’emparerait et sur lequel il exercerait sa maîtrise. Et « l’émotion opère une brèche » [4].

La brèche est une grande image comme le sont celles du rêve dans lesquelles un homme se signifie sous une forme figurée à laquelle un contenu affectif est toujours associé. Le moindre dictionnaire enseigne qu’une brèche est une ouverture artificielle pratiquée par un assaillant dans une ligne de défense et qui modifie la situation de tous ceux qui jusqu’alors étaient protégés en les exposant à un péril désormais imminent. Une idée peut opérer une brèche ; plus sûrement, un mouvement affectif dont l’homme conscient n’est pas la cause et qui le force, mais sans lui nuire décisivement, le peut.

La brèche est l’avènement du dehors, la morsure de sa pointe. Le dehors se révèle au sujet en le révélant brusquement à lui-même dans son être d’assujetti. Sous un jour « redoutable », nécessairement, l’intrusion du dehors ôte au sujet les armes de son emprise habituelle sur le monde : le discours et le savoir opératoire. Ce dépouillement n’est pas une annihilation, mais un évidement, prélude à un envahissement. Toute opération consistant à prendre, comprendre, expliquer, concevoir, transformer, étant suspendue, le sujet découvre la passivité qui le constitue en lieu où afflue le dehors [5].

L’attention et la vision. L’émotion est une condition de l’attention si l’on donne toutefois à ce mot le sens que lui confèrent Simone Weil et Roger Munier après elle :

L’attention, comme qualité, se suffit. Elle n’a pas de fondement hors d’elle-même. Elle peut, à elle seule, être une règle de vie. Elle oriente dans le monde, au départ, et pourrait résumer toute éducation et formation de l’esprit. Elle en détache, au terme. Portée à son extrême, dans la ligne et comme la finalité de son déploiement sans plus, elle devient une vertu de l’âme.
Rien qu’en elle-même, pour ainsi dire, elle est déjà détachement. Son premier effet est de « détacher », au sens de rendre plus distinct, de faire ressortir ce qui va être son objet. Elle isole et concentre sur un point. Elle est, par elle-même, exclusive. Échappant à la dispersion naturelle, elle ne fixe plus qu’un objet.
Descendu au jardin, je tombe en arrêt devant le rosier et bientôt devant telle rose du rosier légèrement agitée par la brise. Saisi par sa beauté, je m’immobilise devant elle. Il n’y a plus qu’elle, pour mon attention en éveil. Une rose du rosier. Cette rose-là. Il n’y a plus que nous deux, dans le face à face. Face à face extatique déjà, car si j’ai parlé d’un objet de l’attention, ce n’est pas le mot juste. On ne peut plus parler ici d’objet, au sens d’un devant maîtrisable. Il n’y a proprement d’objet que pour la représentation. L’acte d’attention est tout autre : il met en présence. Isolant un aspect ou un moment du monde à l’exclusion du reste, il concentre sur un seul point : ici la rose. Le reste a disparu. Le monde alentour s’est effacé. Premier détachement : je ne suis présent qu’à la rose. (…) Il semble que peu à peu je me perde en elle qui surgit, qui est seule de tout le reste à surgir. C’est le second détachement de l’acte qui m’a mis en présence : il fait bientôt comme monter en présence, fait entrer en présence le sujet même de sa fixation qui, déjà détaché et rendu à soi, se détache finalement de moi. L’attention donne d’assister à cette montée qui me laisse aboli. (…) Que l’attention persiste, et voici ce qu’elle atteindra, comme d’elle-même et dans sa ligne. Elle s’est fixée sur la rose, sur la rose détachée du reste, de moi, et qui, par l’invisible d’elle qui s’est levé à mesure et à mesure qu’il se lève, elle-même peu à peu m’échappe. La rose qui n’est qu’offerte, se perd dans son offrande. La contemplation de la rose comme offerte, comme offrande d’elle-même est sans fin. La rose finalement m’échappe dans ce « sans fin ». Elle s’épuise en infinité. Le monde visible offert à l’attention, peu à peu, et dans l’attention même soutenue, s’épuise en infinité. L’attention plénière et qui persiste en elle-même débouche sur une infinité qui dénude. [6]

L’attention est une sorte de « vision ». La vision est une transformation du regard ou du voir habituels. Le regard et le voir ont, tous les deux, lieu au présent, mais il s’agit d’un présent ponctuel. Évoquer une transformation du regard ou du voir est a priori inconcevable sans quelqu’un qui la réalise, mais dans un autre texte de Roger Munier intitulé précisément Vision, il n’est fait mention de personne :

Dans la vision, le regard d’immédiat ou de ponctuel qu’il est d’ordinaire, se temporalise. Il s’ouvre au temps de la chose, s’en imprègne. Il la voit dans sa durée, comme périssable. Telle, non seulement qu’elle est, mais comme elle se déploie, dans son intime vérité. Il étire son apparence fugace, trompeuse d’être fugace. Pas plus que le rien, le temps ne se voit. Mais il est bien à l’œuvre. Il est l’œuvre du rien : le rien dans son œuvre faisant et défaisant. Dans la chose, la vision, voit l’éclosion et le déclin ensemble. Le déclin dans l’éclosion et comme éclosion, un moment de sa courbe. La vision de la rose n’est pas la seule vue de la rose. C’est une vue nimbée de temps. La vision est plénière, quand la vue est tronquée et du moment. Dans la rose épanouie, la vision sait, d’un sourd savoir, la rose un jour flétrie. En même temps. Dans le temps de son rien-que-soi qui travaille la rose [7].

Ce passage demande quelques explications. Dans la description proposée de la vision, vision qui n’est donc pas réductible à la vue ou à ce que nous avons nommé regard auparavant, l’accent porte sur le temps de la chose et la manière dont la vision s’en imprègne. L’accent ne porte pas sur le sujet de la vision, l’homme. Sans doute faut-il comprendre cette omission de la façon suivante : à la différence du regard qui est limité quant à son origine et sa destination (exercice ponctuel d’un organe sensoriel, il vise la chose telle qu’elle se présente en chacune de ses esquisses), la vision peut être le fait de l’être humain en son entier. Cela expliquerait pourquoi, dans cet extrait, la « vision » voit et non pas « quelqu’un » voit, comme on pourrait s’y attendre. Mais que voit-elle ? Réponse : l’éclosion de la chose, une rose dans le texte précédent, une pivoine actuellement dans nos jardins, et aussi le temps qui lui est propre, un temps dont il s’agit pour la vision de s’« imprégner ». La vision voit l’éclosion de la chose, mais elle en voit aussi le déclin et cela non pas successivement, mais simultanément, « ensemble » [8] dit le texte. Deviennent centraux, le temps des choses, leur durée, étant entendu encore une fois que la vision, c’est-à-dire probablement nous-mêmes moins ce que nous mettons de nous dans les choses, la vision doit s’en imprégner et non pas se projeter dans cette chose et son temps.

La chose, ici une rose, est vue. Le temps, non. Cependant, la vision « voit » l’œuvre du temps, en d’autres termes, elle voit la chose dans son « éclosion » et son indissociable « déclin ». Ce point est délicat à comprendre car une fausse interprétation est à écarter. Selon cette interprétation, la vision mélangerait le regard ponctuel porté sur une chose présente avec l’image anticipée de ce qu’elle deviendra, rose flétrie, abîmée. Même si Roger Munier écrit « la vision sait d’un sourd savoir, la rose un jour flétrie » [9], je ne crois pas qu’il s’agisse d’un savoir dans lequel se mélangeraient deux images, l’une de la rose actuelle et l’autre, de la rose future imaginée, ou de ce qu’il en restera. Je crois qu’il s’agit plutôt d’une invitation à voir toutes choses dans leur éclosion et à leur associer un contraire, un déclin, de telle sorte que le déclin ne vient pas après l’éclosion, mais que l’éclosion, telle qu’on la voit, a pour condition une opération inverse, appelons-là « déclin », dont il reste à savoir de quoi elle est dite. Contrairement à la vue et au regard,

La vision est donc pour une part négative. (…) Plutôt que négative, je dirai : néantie. Elle est vision du négatif du rien apparaissant. Du rien que la rose avoue dans son usure plus ou moins manifeste. Le premier aveu d’usure étant son insertion dans le temps, du bouton délicat à la chute des pétales. On ne voit pas le temps, sans doute, mais on ressent son effet dans la chose à tout moment changeante. La chose prise dans les temps est continûment reprise par lui, lentement défaite, se faisant et durant. Toute autre usure en découle. Ce qui fait que la chose tient n’est tel que parce qu’il la défait, en « même » temps [10].

La vision est « pour une part négative ». Elle est à proportion « de la part du négatif à l’œuvre dans la chose [une rose en l’espèce]». La part de négatif à l’œuvre dans la rose fait de la rose rien d’autre que ce qu’elle est, une rose ; la part de négatif dans la vision rend celle-ci capable de voir un déclin dans l’éclosion.

L’extase reprend en sous-main ce qui a été avancé à propos de l’« attention » et de la « vision ». L’extase, en effet, se produit « devant ce qui n’est pas, mais subjugue en n’étant pas, comme n’étant pas » [11]. Devant quoi se produit-elle, en effet ? Réponse « devant ce qui n’est pas ». Commençons par la décrire :

C’est l’été. J’entre dans le sous-bois. Là s’ouvre un autre monde, en rupture avec celui des champs cultivés, des prairies, qui le borde. Le sous-bois attire, mais n’accueille pas vraiment. Il investit le promeneur qui s’y engage à l’écart du chemin, renferme sur lui sa cavité ombreuse…
Bois de haute futaie. Les troncs des grands hêtres s’y dressent nombreux, lisses et droits, serrant un espace clos, et qui monte. Leurs cimes se rejoignent, masquant le ciel, tamisant le grand soleil de juin. Formant voûte légère et presque transparente.
Car le soleil, seulement retenu, habite à sa manière le sous-bois. Il perce, ici et là, en touches lumineuses. C’est moins une venue de lumière qu’une sorte de ruissellement d’en haut. Une chute d’or, scintillante, un peu mouvante quand le vent trouble les feuillages, au sommet. Elle se dépose en tâches claires sur les troncs, effleure les branches basses, les rameaux, passe des uns aux autres, en miroitant. Le regard s’emplit de ce déversement de lueurs. Ce n’est pas la lumière du dehors, mais son suspens filtré. Le haut suspens d’une béance dorée, habitée et vibrante… Mais est-elle habitée, comme il semble ?
Elle ne l’est pas. Ce qui parle, s’il parle, dans le miroitement, ne dit rien hors de soi. Se perd dans ses taches mouvantes, frémissantes à peine. Rien ne se dit, rien n’est là que l’évanescente, impalpable pluie d’or. Rien, sauf ce rien justement. Ce qui captive ici n’est rien, est absent, d’une absence abîmée. Parle comme absence.
Le silence s’y ajoute, coupé par instants de brefs rappels d’oiseaux qui se répercutent dans la profondeur du bois. Il monte lui aussi. Vers quoi ? Il monte. Comme les grands fûts immobiles seulement montent – et rien n’est là vers quoi ils montent. Rien d’autre n’est là et tout le dit de ce qui est là. Dit qu’il n’y a rien d’autre, mais le dit…
On s’arrête un moment, subjugué. Ici l’absence n’est pas séparable de la beauté, ni la beauté de l’absence. Absence et beauté ensemble irradient le sous-bois. On éprouve cet ensemble dans une légère, fugace extase. Où tout ce qui est absent est comme partout répandu, dans les touches de lumière. Le sous-bois s’en exalte, et frémit. Tout est bien là, donné, mais hors de prise, donné comme hors de prise. Est-ce vraiment hors de prise, puisque c’est donné ? Est-ce donné, si c’est hors de prise ? [12]

L’extase ici décrite est « fugace », mais, si fugace soit-elle c’est une expérience émouvante de l’absence, pas de l’absence de ceci ou de cela, d’un outil qui n’est plus à portée de la main, d’un objet qui n’est plus là où on le cherche, mais de l’absence comme absence, laquelle ne dit rien d’autre qu’elle, se laisse pressentir, et se lie pour cela à la chose la plus impalpable qui soit, celle sur laquelle personne n’a de prise, la lumière naturelle. La fugacité d’une expérience au fond très simple, mais « prenante » et qui « tient » celui qui la connaît, ne fut-ce que quelques instants, s’explique probablement par la liaison de l’absence avec la lumière car cette dernière, toujours changeante, rompt vite les conditions de l’extase et l’homme, un instant délivré de lui-même et livré dans le même temps à ce sur quoi il est sans prise, se reprend rapidement.

Ce qui importe, à mes yeux du moins, dans cette extase ordinaire, c’est qu’elle se produit sans avoir pour origine un comportement volontaire ni même un objet. Parce qu’elle est sans objet, elle ne s’unit à rien, ne donne à l’homme rien à étreindre. Elle ne saisit rien, au contraire, on serait presque tenté de dire que c’est elle qui est saisie ! Et pour parler d’elle, Roger Munier emploie l’expression de « suspens ébloui ». Un suspens, c’est une ouverture vide devant ce qui n’est pas et qui subjugue comme n’étant pas. Que l’extase soit un suspens, c’est-à-dire une ouverture vide, n’empêche pas que, comme ouverture, elle soit ouverte à… Dans l’extase, il y a bien un mouvement de dépassement vers…, une transcendance donc, mais force est de se demander « un dépassement vers quoi ? », « une transcendance qui atteint quoi ? ». Pas un objet, on le sait déjà, mais une béance, « ce qui n’est pas », et qui, comme béance, « attire », et, parce qu’il attire, demeure distant.

La nature

On est souvent tenté de combler une béance au moyen d’un mot et, dans le cas de l’extase fugace, de croire qu’elle est un sentiment qui aurait pour objet ce qu’il est convenu d’appeler « la nature ». Il ne s’agirait pas bien entendu de la nature aux différents sens du terme qui ont été rappelés en introduction, à savoir 1) l’étant que nous ne sommes pas et qui est vis-à-vis de nous en position de dehors, 2) l’étant que nous sommes et par quoi il faut entendre soit notre corporéité, soit notre (ou une) essence, il ne s’agirait donc pas de la nature ainsi entendue, mais d’un caractère commun à ces trois grandes acceptions, quelque chose comme « ce qui n’est pas produit par l’initiative humaine, que cette dernière s’appelle enseignement, art, ou convention » [13]. Ce caractère commun semble en effet correspondre à ce devant quoi se produit l’émotion et l’envahissement du sujet qui s’ensuit, puis, mais peut-être, ce à quoi irait l’extase.

Toutefois, souligner le trait, « ne pas être produit par l’initiative humaine », est à la fois nécessaire et insuffisant. C’est nécessaire parce que nos premières descriptions convergent toutes sur ce point : relève de la nature ce qui n’est pas un produit de l’art. C’est insuffisant, parce que la formulation de ce trait est négative (ne pas être un produit de …). Or, je voudrais insister au contraire sur le point suivant : bon nombre des remarques faites à propos de l’émotion, de l’attention, de la vision, de l’extase ne sont en rien négatives. À propos de l’émotion, il a été question d’un afflux du dehors et de son intrusion bouleversante chez un sujet ; à propos de l’attention, de la montée et de la mise en présence du sujet de sa fixation ; à propos de la vision, d’un jeu complexe entre éclosion et retrait qui fait que la vision porte sur autre chose que le vu ; à propos de l’extase, enfin, d’une béance attirante. Dans tous ces cas, il est question d’une opération affirmative, même dans le cas d’une béance attirante, non pas d’une entité approchée négativement, et encore moins d’un simple résultat.

Une opération. J’évoquais, au début de mon intervention, l’étude de Heidegger intitulée « Ce qu’est et comment se détermine la nature ». Dans cette étude, on peut lire que le mot grec Physis a été traduit par celui de natura en latin et que natura vient de nasci, « naître », « provenir de », en grec : gen. S’il fallait traduire la natura latine, ce serait au moyen d’une périphrase précisait Heidegger : « ce qui laisse provenir de soi » [14]. Cette approche est très éloignée de la manière dont on définit, depuis le XVIIe siècle, la nature, à savoir « l’ensemble des phénomènes qui obéissent à des lois physiques et mathématiques universelles et nécessaires » [15], mais elle est très proche de la perspective qualitative et subjective, qui est la mienne. Il faut cependant en dire plus sur cette opération. À mon sens, elle ne précède pas son résultat qui, lui, se laisse voir, arbre qui reverdit, croissance d’une plante ou d’un animal, en cette saison, ouverture d’une pivoine… Le dualisme qui aboutit à distinguer et à séparer l’une de l’autre une action productrice et son résultat, ne convient pas à l’opération que je cherche à décrire. Je l’ai laissé entrevoir précédemment à propos de la description de la vision : il s’agit pour moi de penser ensemble, dans un être que l’on dira naturel, ce qui le fait être et qui disparaît en lui pour qu’il soit. L’extase dont je dis qu’elle n’est pas une union avec un être quelconque parce qu’elle va à ce qui n’est pas, l’extase, donc, est dirigée sur l’opération qui disparaît dans la mesure même où apparait ce qui est, qu’il s’agissent de l’éclosion d’une pivoine ou du verdissement des feuilles d’un hêtre avant qu’elles ne brunissent. J’appelle nature cette opération productrice d’un résultat et qui s’abolit en lui de façon à ce que, pour notre plus grand bonheur, il soit.

Nature et monde extatique. Par rapport au monde qui est le plus souvent le monde de l’habitude, le monde de la vie ordinaire où nous œuvrons dans la mécanique des jours, la nature est une zone d’arrière-plan, un dehors sans contours « hors du périmètre rassurant de notre agir » [16]. N’ayant pas beaucoup de mots à notre disposition, nous pouvons reprendre le terme de « monde » et donc distinguer en lui le monde de la vie ordinaire et la nature originaire. Ce partage ne reproduit pas la division de tout ce qui est en un monde sensible et un autre, intelligible. Non. Il n’y a qu’un monde, aussi le monde de l’habitude et la nature sont-ils tous deux en lui qui se trouve séparé de lui-même et comme distancié par rapport à lui-même. L’un, le monde de l’habitude est, par rapport à nous, hors de nous, l’autre, la nature, est, par rapport au monde de l’habitude et à nous-mêmes, un « pur dehors » [17]. Le rapport des deux tend le monde vers autre chose que soi. Il est à son tour extatique et c’est à la nature qu’il le doit. Le sentiment d’une distance immanente au monde et aux choses est allé, pour l’auteur de Sauf-Conduit [18], croissant, un sentiment qui n’est pas rare, même s’il est rare qu’on parvienne à l’exprimer correctement. L’idée d’une extase du monde pourrait alors expliquer les insuffisances de la perception humaine sans qu’il faille les imputer intégralement à la finitude du sujet percevant. La répétition des tentatives de saisie d’une chose qui ne se livre jamais en elle-même, mais toujours en esquisses, recevrait ainsi un éclairage. Et si vraiment le monde (tout court) se dérobe devant l’approche humaine, entretenant par là-même le désir de le connaître et, peut-être, celui, insensé, de le maîtriser, c’est peut-être parce qu’il se dérobe d’abord à lui-même et qu’il doit cela à la nature. Là est l’essentiel. La distinction entre le monde de l’habitude et la nature demande toutefois à être exemplifiée. Soit l’exemple du vent [19].

Le vent se rappelle suffisamment à nous, certains jours, pour que nous y prêtions attention. Mais par « attention », on entend alors et le plus souvent « suivre des règles élémentaires de précaution ». Lorsque la véritable attention, celle que j’ai présentée comme un exercice spirituel, se fixe sur le vent, elle tente d’entrer dans la scène venteuse en se détournant du spectacle immédiat offert par la réalité naturelle. En quoi consiste cette entrée ? Dans son livre Sauf-conduit, Roger Munier la décrit comme une tentative de « lire » l’événement « vent » dans son « dépassement de lui-même » [20]. Le vent se scinde : il est « soi » tout en devenant plus que soi, « signe » de soi. Disjoignant le vent de lui-même, l’extase serait le mouvement par lequel le vent s’avoue « autre en étant soi », « cet autre autant que soi » [21]. Ainsi présenté, l’exemple n’est guère probant car « lire » un événement, c’est-à-dire le comprendre dans sa dimension de « signe », n’a de sens que pour un lecteur-déchiffreur. Mais le point d’origine de l’extase est alors dans un être de langage, l’homme, et non pas dans le monde. Or, pour être du monde, l’extase doit avoir son issue en lui. L’extase du monde « lui-même en lui-même » ne peut que précéder ou excéder toute lecture. Revenant à la charge, Roger Munier propose de voir ou d’entendre dans une réalité naturelle muette, l’origine de l’impulsion à la dire. D’elle-même, cette réalité serait alors plus qu’elle-même. Signe d’elle-même, elle serait un dehors qui, sinon appelle, du moins « attend », et parfois en vain, la parole humaine qui le nomme. Mais là encore, c’est au langage que l’extase du monde devrait de pouvoir se lever. Peut-on, une dernière fois, à propos du vent, tenter de mieux décrire le partage entre un phénomène observable et un événement de nature ? Que le vent soit un phénomène observable, ne pose aucun problème, mais quand l’attention se porte sur lui, que découvre-t-elle ? L’attention isole le vent et, loin de s’épuiser à le décrire, elle le voit comme une contraction du monde dans l’un de ses événements. Le vent n’est pas le tout du monde, mais la manière dont le tout du monde se présente à un moment donné sous un jour dominant et, à proportion, limité. Le vent en tant que phénomène du monde de l’habitude est évidemment hors du sujet attentif, mais il est aussi comme événement naturel, ce qui du monde se dérobe en apparaissant dans une forme finie, dé-limitée, ici, le vent

Je considère que de l’extase fugace qui va à la béance et de l’extase du monde qui fait qu’il se dérobe peut être issu un élan religieux.

L’origine de l’élan religieux

Deux remarques, l’une sur le sacré, l’autre sur dieu.

Le sacré. La nature, telle que j’en viens à la comprendre, est proche du « sacré ». Ce rapprochement n’est pas arbitraire. Il peut être justifié en prenant appui sur une œuvre poétique comme celle de Hölderlin et, en particulier, sur l’un de ses hymnes, Wie wenn am Feiertage (Comme quand au jour de fête). Cet hymne a été profondément étudié par Heidegger dont je reprends l’essentiel du propos dans ce qui suit.

L’interprétation heideggérienne privilégie dans l’hymne la question de la nature et, à la suite du poète, identifie celle-ci au sacré caractérisé comme une béance, un chaos initial. En s’ouvrant, cette béance accorde à tout ce qui est sa présence dé-limitée.

Cinq critères du sacré sont retenus par Heidegger : l’indemne, l’inapprochable, l’effrayant, l’indisponibilité et la souffrance. 1) L’indemne ? Rien ne précède le chaos, qui, de toujours, ne cesse pas d’être en tant qu’initial (das Anfängliche), l’intact (unversehrt), le sauf ou l’entier ou l’indemne (heil[22]. La sérénité y a sa source [23]. 2) L’inapprochable (das Un-nahbare[24] ? L’indemne enferme toute plénitude. Il est donc inapprochable pour tout ce qui est pris isolément, dieu ou homme. Le sacré exclut de son domaine toutes les tentatives d’approche. Il est dépaysant, peut-être même, effrayant. 3) L’effrayant (das Entsetliche[25] ? L’effroi est effroi devant « l’ébranlement universel » écrit Heidegger [26], mais le poète exerce son pressentiment pour discerner ce qui vient et se lève, le sacré lui-même, et l’abriter dans son chant. Là git une différence entre le poète et le penseur : le poète dit le sacré, le penseur pense l’Être. 4) L’indisponibilité ? Le sacré n’est pas disponible pour le poète, la preuve en est que celui-ci n’a pas par lui-même, selon Hölderlin, le pouvoir de nommer [27]. L’ardeur du poète a besoin d’être enflammée et, cela, seul le peut un éclair venu du sacré lui-même, ou, plus précisément, venu de quelqu’un qui est proche du sacré et pourtant différent de lui : un dieu. Le dieu prend sur lui le sacré qui est au-dessus de lui et, le portant à l’acuité et à la force de l’unique éclair, en fait don aux hommes. Le sacré « inspire » et Heidegger va jusqu’à écrire que la plénitude divine avec laquelle le sacré ne se confond pas, comble. Toutefois, suivre ce bonheur, c’est-à-dire être comblé ou se perdre dans la possession du dieu, serait un malheur parce que « la condition poétique ne consiste pas dans l’accueil du dieu, mais à être entouré par le sacré » [28]. Atteint par l’éclair sacré vers lequel il est tourné, un poète tressaille en son âme. Tressaillir, c’est pour l’âme laisser s’éveiller en elle un ébranlement. Ce tressaillement brise le repos du silence. La parole naît alors qui laisse apparaître l’appartenance réciproque du dieu et de l’homme. L’hymne Comme quand au jour de fête… rend témoignage au fondement de cette appartenance réciproque, il témoigne donc du sacré. 5) La souffrance ? Une menace pèse sur le sacré. Confié à la médiation du dieu pour que l’homme en soit touché, confié également à la médiation du poète qui le dit, le sacré est exposé au risque d’un retournement, « son être le plus intime vacille » [29]. S’offrant dans le déchirement de l’éclair, le sacré souffre « initialement » [30]. Cette souffrance doit être nettement distinguée de la déploration ou de la souffrance proprement chrétienne.

Dans l’hymne de Hölderlin, à suivre Heidegger, le sacré est une béance, un chaos initial, avec lequel la nature se confond. La nature est le sacré dans la mesure où elle recouvre une opération productrice invisible qui suscite le visible, n’est pas lui, mais n’est pas sans lui.

Dans l’extase et la nature distincte du monde de l’habitude, on trouve un « élan » dont on peut se demander s’il est susceptible de devenir « religieux ». Il s’agit d’une possibilité. Reste à savoir quel sens et quel nom l’extase rendrait possibles ?

Dieu ? Dans la mesure où elle est sans objet, dans la mesure où elle ne saisit rien, ne s’unit à rien, ne donne pas de nom à l’absence qui l’attire, l’extase fugace excède le champ d’une expérience religieuse donnée et, ce faisant, ne l’annule pas. Au contraire, elle la rend possible.

L’extase nue ne va à rien qui soit du monde, à rien qui ait un nom, elle va à l’absence pure. S’il doit y avoir un dieu comme terme à l’élan que l’extase conditionne, ce dieu ne sera rien qui soit du monde. Ce sera un dieu « divin » comme l’aurait peut-être indiqué Heidegger et comme Roger Munier permet de le penser. Ce Dieu divin n’est pas dans le monde, il n’est pas non plus hors du monde dans un autre monde qui redoublerait celui-ci. Il est en « moins du monde », inscrit dans l’absence à laquelle va l’extase. « Dieu » serait alors le nom d’une dimension transcendante de l’absence : l’Absent. Et l’Absent n’est pas rien. En familiarisant un homme avec l’absence, l’expérience de la nature pourrait le tourner vers l’Absent qui est, peut-être, la forme de la présence du divin à laquelle les hommes donnent le visage qui leur convient.

Yannick Courtel

[1] Heidegger M., « Ce qu’est et comment se détermine la Physis » dans Questions II, Paris, Gallimard, 1968 pour la traduction, p.178.
[2] Munier R., L’extase nue, Paris, Gallimard, 2003, p.17.
[3] Id., p.19-20.
[4] Ibid., p.19.
[5] La brèche est le commencement d’une phénoménologie de l’expérience religieuse dont il n’est pas du tout question dans l’extrait de L’extase nue.
[6] Munier R., « L’attentif » dans Poésie 93, n°50, décembre 1993, pp. 23, 24, (je souligne).
[7] Id., Vision, Paris, éd. Arfuyen, 2012, p. 40-41.
[8] Ibid., p. 40.
[9] Ibid.
[10] Ibid.
[11] Munier R., L’extase nue, p.54.
[12] Munier R., L’extase nue, Paris, Gallimard, 2003, 49-51.
[13] Murgier C., « Figures du naturalisme », La Vie des idées, 13 juin 2013. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Figures-du-naturalisme-2324.html. Consulté le 24 juin 2013.
[14] Heidegger M., Questions II, p. 178.
[15] Chevalley C., « Nature et loi dans la philosophie moderne » dans Notions de philosophie I, D. Kambouchner dir., Paris, Gallimard, 1995, p. 128.
[16] Munier R., L’extase nue, p. 17-18.
[17] Munier R., Sauf-conduit, p.38.
[18] Id., p.39.
[19] Cf. Sauf-conduit, p.40.
[20] Ibid.
[21] Ibid.
[22] Heidegger M., Hölderlins Hymne, Wie wen nam Feirtage, Halle, Max Niemeyer Verlag, et Approches de Hölderlin, Paris, Gallimard, 1973, p.81.
[23] Id., « Pour servir de commentaire à “Sérénité” » dans Questions III, Paris, Gallimard, 1966, p.191.
[24] Id., Approches de Hölderlin, p.82.
[25] Ibid.
[26] Ibid., p.93.
[27] Ibid., p.88.
[28] Ibid., p.89.
[29] Ibid., p.93.
[30] Ibid., p.95.