Verde Noticia

A Roger Munier

Nacida al borde de un ladrillo
en un rincón del patio,
brizna de yerba combatiente
contra el aire y la luz,
aire y luz ella misma.

Claridad afilada
en alfileres denodados,
savia tenaz resuelta en transparencia :
sobre diáfanos tallos
instantáneas esmeraldas.

Espiga de rocío
brotaste de la piedra
como una exclamación.

Acabas de nacer,
tienes mil años y un minuto,
cada día primer día del mundo.

Eres un poco de aire
y una gota de sol,
eres un parpadeo.

Bailas y no te mueves,
ondeante quietud
en la palma del viento.

Haz de lanzas de vidrio y centelleos,
terrestre voluntad vuelta reflejos,
más luz que yerba y más que luz
exhalación palpable y no tocada :
el repentino cuerpo del instante.

Abre la hora su corola,
se inmoviliza el mediodía
yo escribo en una mesa, me detengo,
oigo el callar de la madera,
miro el verde resol, el tiempo se entreabre.

Octavio Paz

Verte étrenne

À Roger Munier

Né sur l’arête d’une brique
dans un coin du patio,
brin d’herbe luttant
contre l’air et la lumière,
air et lumière lui-même.

Clarté aiguisée
En épingles intrépides,
Sève tenace dissoute en transparence :
Sur des tiges diaphanes
Grappe d’émeraudes instantanées.

Épi de rosée,
tu as jailli de la pierre
comme une exclamation.

Tu viens juste de naître,
tu as mille ans, rien qu’une minute,
chaque jour le premier du monde.

Tu es un peu d’air
et une goutte de soleil,
tu es un battement de paupières.

Tu danses et ne bouges pas
quiétude ondoyante
dans la paume du vent.

Faisceau de lances de verre et d’étincelles,
vouloir terrestre devenu reflets,
herbe moins que lumière et, plus que lumière,
exhalaison palpable et intouchée :
le corps soudain de l’instant.

L’heure ouvre sa corolle,
midi s’immobilise,
j’écris à une table, je m’arrête,
j’écoute le bois se taire,
je regarde le reflet vert, le temps s’entrouvre.

(Traduction par Jean-Claude Masson)